• Etude exhaustive en 2009 par Sciences et Avenir

     

     

    'ONDES : Ce qu'il faut vraiment savoir' - Sciences et Avenir - Mai 2009

    Inquiets pour leur santé, de plus en plus de Français se mobilisent contre les sources de rayonnement. Manifestations et procès se succèdent.

    Téléphone portable, wi-fi, antennes : la tension monte

    Ce 23 avril, à Paris, s'ouvre un «Grenelle des ondes», visant à faire le point sur les dangers sanitaires potentiels des champs électromagnétiques qui entourent les téléphones mobiles, le Wi-Fi, les antennes- relais... Il regroupera opérateurs, pouvoirs publics et associations. Il y a urgence car depuis janvier, trois décisions judiciaires ont ordonné le démontage d'antennes téléphoniques ou interdit leur implantation «pour trouble anormal de voisinage» en évoquant «le principe de précaution». Les trois opérateurs français, Orange, Bouygues, SFR, tour à tour condamnés, craignent des procès en rafale.

    Cinq nouvelles plaintes au civil ont été déposées fin mars. Deux plaintes au pénal pour «administration de substance nuisible» sont en cours. Les antennes-relais seraient-elles dangereuses ? Non, répondait, dès mars, l'Académie de médecine. «On ne connaît aucun mécanisme par lequel les champs électromagnétiques [...] pourraient avoir un effet négatif sur la santé.» Un avis aussitôt repris par le Premier ministre, avant même que la table ronde ait commencé !

    De quoi ulcérer les associations comme Priartem ou Robin des Toits. Contestant l'indépendance des experts (lire p. 66), elles brandissent des études inquiétantes (lire p. 50) et demandent une nouvelle loi sur l'implantation et la puissance autorisée des antennes-relais. Un amendement en ce sens, déposé à l'Assemblée nationale, a été repoussé le 6 février à la demande de la ministre de la Santé. Les sénateurs Verts ont répliqué fin mars par une proposition de loi. Comme les associations, ces élus réclament une baisse de l'exposition du public aux émissions électromagnétiques. A quoi les opérateurs rétorquent, non sans mauvaise foi, que cela conduirait à couper le téléphone pour certaines personnes ! (lire p. 61). Un dialogue de sourds qui augure mal du débat. Etude exhaustive en 2009 par Sciences et Avenir

    Pendant ce temps, la préoccupation du public grandit. Car d'autres ondes et d'autres sources inquiètent. Le Wi-Fi par exemple : la mairie de Paris a dû temporairement débrancher ses bornes d'accès publics dans des bibliothèques après que des employés ont ressenti des malaises. La capitale a démarré en avril une conférence citoyenne sur la question de l'Internet sans fil mais aussi des autres ondes; les conclusions seront rendues en juin.

    Autres objets de controverse et de confrontation : les lignes à haute tension et leurs rayonnements à basse fréquence ainsi que tous les appareils branchés sur le secteur. En novembre 2008, un agriculteur a gagné son procès contre le transporteur d'électricité RTE, filiale d'EDF, en arguant des dégâts sanitaires sur son élevage, une première judiciaire. Et ce, alors que la pléthore d'études sur le sujet ne parvient pas à se mettre d'accord sur un risque avéré pour les hommes et les animaux.

    Visiblement, la confusion règne dans le domaine. Sciences et Avenir a souhaité démêler les fils de ces polémiques. Tout d'abord, à quoi nous exposent toutes ces antennes, ces lignes à haute tension, ces bornes Wi-Fi, ces fours à micro-ondes ces appareils électriques qui se multiplient dans notre environnement ? Lequel émet des ondes basses fréquences et lequel émet des ondes très hautes fréquences ? (lire Repères). Quels sont, pour chacune, les effets physiques sur nos corps ? (lire p. 54).

    Nous nous sommes procuré des appareils pour mesurer le bain d'ondes auxquelles tout un chacun peut être exposé quotidiennement. Et nous avons eu accès aux premiers résultats de deux campagnes de mesures différentes, de grande ampleur, menées en France. Au menu, quelques surprises riches d'enseignements (lire p. 56) . Quid enfin des effets des ondes sur la santé ? Ces dernières années, une population semble particulièrement affectée, les électrosensibles (lire p. 62).

    Malades ou paranos ? Des diag-nostics préliminaires viennent seulement d'être posés en France alors que l'électrosensibilité est déjà reconnue comme un handicap en Suède.

    Enfin, les polémiques ont gagné les laboratoires (lire p. 50). Les chercheurs savent déjà que ces rayonnements échauffent le corps, mais s'interrogent sur des mécanismes non thermiques susceptibles d'attaquer nos cellules pour dégénérer en pathologies plus graves, comme des cancers. Quant à savoir si les usagers du portable pourraient développer des tumeurs, l'incertitude demeure : les études d'épidémiologie sont difficiles à mener et les résultats, en particulier ceux de la fameuse étude Interphone, se font attendre (lire p. 53) .

    Ces controverses montrent que les nouvelles technologies ne peuvent se développer sans concertation. Toutes leurs facettes font débat : effets sur la santé, sur le développement économique, la prise de décision politique. Alors que les dangers de l'amiante et du tabac ont été avérés après bien des années de controverse, et que la polémique sur les OGM est installée, on pourrait espérer que la question des ondes électromagnétiques amène à aller au-delà d'une opposition entre raison scientifique des uns et obscurantisme des autres, entre principe de précaution et progrès. Les scientifiques - mais pas seulement eux - ont encore du pain sur la planche.

    Repères

    QU'EST-CE QU'UN CHAMP ELECTROMAGNETIQUE ?
    Commençons par une analogie : sur Terre, tout objet est soumis au «champ de gravitation» créé par la planète. Il subit une force dirigée vers le bas. Voilà pourquoi on tombe ! De même, plongée dans un champ électromagnétique, toute particule chargée (exemple, un électron) subit des forces électriques et magnétiques. Elle est freinée ou accélérée par le champ électrique exprimé en volts par mètre (V/m). Et sa trajectoire est déviée par le champ magnétique exprimé en teslas (T).Champ électrique et champ magnétique sont liés par les équations de l'électromagnétisme dites de Maxwell.

    QU'EST-CE QU'UNE ONDE ELECTROMAGNETIQUE ?
    Une onde traduit la façon dont le champ varie dans l'espace. De même qu'une vague à la surface de l'eau décrit la variation de la hauteur d'eau, l'onde caractérise la variabilité des champs électriques et magnétiques en tout point. Ses grandeurs caractéristiques sont la fréquence et l'amplitude.La fréquence, exprimée en hertz (Hz), donne le nombre de fois qu'un maximum (ou un minimum) est atteint par seconde. La longueur d'onde, inverse de la fréquence, représente la distance entre deux maxima et s'exprime en mètre. L'amplitude représente la hauteur d'un sommet et traduit l'intensité du phénomène. L'onde électromagnétique la plus courante est celle de la lumière (de 0,4 à 0,7 micromètre). Pour les communications, les longueurs d'onde vont de plusieurs centimètres à plusieurs kilomètres. Les ondes électromagnétiques se propagent à la vitesse de la lumière.

    D'OU VIENNENT CES CHAMPS ?
    Dès qu'un courant électrique circule, il y a rayonnement. Exemple : dans un émetteur radio, le signal à transmettre est converti en signal électrique oscillant et sa variation dans l'antenne émet une onde (le récepteur radio fonctionnera à l'inverse). L'onde est plutôt dans le domaine des hyperfréquences. Si les fils électriques sont enroulés, un champ magnétique est induit. C'est ce qui se passe pour les appareils électriques alimentés par le courant du secteur à basse fréquence.


    David Larousserie
    Sciences et Avenir


    Les six expertises qui soulèvent l'inquiétude

    «Sciences et Avenir» a analysé les principaux travaux de recherche sur les champs électromagnétiques. Résultat : aucun n'est inattaquable.

    Le débat sur les dangers des ondes semble partagé en deux camps. D'un côté il y aurait la parole officielle des agences nationales ou internationales, Afsset en France, Scenhir en Europe, l'Organisation mondiale de la santé..., plutôt rassurantes. De l'autre, celle d'un groupe de chercheurs internationaux indépendants qui, en 2007, ont recensé 1500 études inquiétantes sur le sujet dans le rapport dit Bio-initiative, dont la diffusion a contribué à alimenter les craintes dans le grand public.

    La réalité est un peu plus compliquée. Les rapports officiels, même s'ils se veulent rassurants, ne sont pas si tranchés. Ils reconnaissent par exemple les risques cancérogènes des basses fréquences, demandent des études complémentaires sur les hyper-fréquences, font des recommandations de prudence, soulignent le cas particulier des enfants... «Pour convaincre les juges d'un risque potentiel, je n'ai pas opposé les arguments des uns à ceux des autres, explique Richard Forget, l'avocat de l'association Robin des Toits à l'origine des jugements de démontage des antennes-relais en France. Je leur ai montré que dans la propre littérature des opérateurs ou des organismes officiels, il y avait la reconnaissance d'un risque.»La position de Bio-initiative n'est pas non plus aussi tranchée.

    Pour y voir plus clair, nous avons choisi de commenter quelques-unes de ces études qui inquiètent. L'objectif est d'illustrer qu'il y a bien controverse et que nous sommes devant une science en train de se faire avec son lot d'expériences non reproduites, trop vite extrapolées et à poursuivre... Il s'agit aussi d'éviter les confusions. Une étude épidémiologique sur des milliers d'hommes n'est pas la même chose que mesurer l'effet des ondes envoyées directement sur des cellules. Il n'est pas non plus possible de tirer des conclusions générales sur toutes les ondes à partir d'un effet d'une onde d'une certaine fréquence et à une certaine puissance. L'enjeu scientifique est d'importance car ces recherches pourraient remettre en question la valeur des seuils de protection actuels (voir schéma ci-dessous), voire mettre en évidence des effets nouveaux non pris en compte dans les recommandations officielles. Il restera aussi à expliquer l'origine physico-biologique de ces nouveaux effets.

    Les études, parfois très ambitieuses, vont donc se poursuivre. L'une, épidémiologique, baptisée Cosmos, a débuté en avril 2008, dans cinq pays d'Europe du Nord. Elle portera sur 200 000 personnes pendant vingt à trente ans. Une autre de même nature, ciblée sur les enfants, MOBI Kids, concernera 13 pays. Quant aux effets biologiques, un projet de 20 millions de dollars (15 millions d'euros environ) a été lancé aux Etats-Unis pour étudier les effets des ondes sur les cellules de rats et de souris. Il n'est pas sûr que cette multiplication d'expériences rassure car cela ne sous-entend-il pas qu'il y a peut-être quelque chose de négatif à trouver ?


    Le foetus serait affecté

    Auteurs : H. A .Divan, L. Kheifets, C. Obel, J. Olsen, de l'université de C alifornie.Date : 2008.Fréquence étudiée : 900 MHz (téléphone portable classique dit GSM).Résultat publié : l'étude conclut à un possible lien entre l'usage du portable pendant la grossesse et des troubles du comportement chez l'enfant. Pus de 3000 enfants danois âgés de 7 ans et leur mère ont été suivis, des questionnaires explorant leur mode de vie et leurs habitudes alimentaires et environnementales leur ayant été remis. Chez les femmes enceintes, l'étude a déterminé que les foetus exposés aux ondes auraient 54% de risques supplémentaires de présenter des troubles du comportement comme une hyperactivité ou des troubles émotionnels. Chez les très précoces utilisateurs, soit 30% des enfants, ce risque atteint même 80% !Notre commentaire : ces résultats inattendus, de l'aveu même des auteurs, ne concluent pas pour autant à un lien de cause à effet. Ils n'expliquent pas les raisons de cette association ni le mécanisme biologique sous-jacent. Selon les auteurs, une confirmation des résultats par d'autres équipes est donc nécessaire.

    L'ADN serait lésé

    Auteurs : l'équipe de Hugo Rüdiger, de l'université de Vienne, participant au projet Reflex mené par Franz Adlkofer.Date : deux articles en 2005 et 2008.Fréquence étudiée : GSM de seconde génération à 1800 MHz et UMTS (téléphone pour télévision mobile)à 1950 MHz.Résultat publié : après une exposition continue ou intermittente de cellules de tissu humain à des hyperfréquences pendant plusieurs heures, il a été constaté des effets sur leur ADN : les brins simples et doubles sont lésés. En outre, l'exposition intermittente a plus d'effets que l'exposition continue, ce qui écarte l'hypothèse d'un effet thermique.Notre commentaire : très surprenants, ces résultats ont fait l'objet de vigoureuses critiques , allant jusqu'à l'accusation de manipulations des données. En mai 2008, l'université de Vienne a réuni un comité d'éthique pour trancher. Il a été récusé, un représentant des opérateurs téléphoniques étant présent. En juin, un second comité a demandé l'annulation des articles. Mais Franz Adlkofer, qui a piloté l'expérience, refuse cette décision et regrette de n'avoir pas eu accès aux délibérations. A ce jour, les deux articles n'ont pas été rétractés.

    Le point de blocage

    L'épidémiologie est en crise

    Amiante, pesticides, champs électromagnétiques..., les études qui mesurent les risques pour notre santé sont souvent contradictoires. Dès 1995, une dizaine d'épidémiologistes de renom reconnaissaient dans la revue américaine Science que leur discipline faisait «face à ses limites». Ils admettaient que leurs études avaient de tels biais , de tels degrés d'incertitudes, de telles faiblesses méthodologiques qu'ils étaient bien incapables d'établir un vrai lien de cause à effet entre un facteur environnemental et une maladie chronique ! Treize ans plus tard, le problème n'est pas résolu, si l'on en croit l'article de l'épidémiologiste Paolo Boffeta dans le Journal of the National cancer institute en 2008 : les faux positifs seraient si fréquents en épidémiologie du cancer qu'il invite ses confrères à une «modestie épistémologique». Des chercheurs plaident aujourd'hui pour une échelle de validité des études, qui évalue prospectivement et rétrospectivement leur fiabilité méthodologique et le degré de preuve qu'elles peuvent apporter. Difficile en attendant d'accorder du crédit à une étude plutôt qu'à une autre, fut-elle négative ou positive. R. M.


    La barrière sang/cerveau tomberait

    Auteurs : l'équipe de Leif Salford, de l'université de Lund (Suède).Date : depuis 1988, plusieurs résultats.Fréquence étudiée : 900 MHz (portable GSM).Résultat publié : l'exposition aux hyperfréquences ouvre la «barrière» entre sang et cerveau. De l'albumine sanguine est détectée dans le cerveau après une exposition continue ou intermittente.Notre commentaire : cette expérience pose d'importants problèmes pour être reproduite. L'auteur lui-même, Leif Salford, le reconnaît dans un article de 2008 : «Certains trouvent l'effet, d'autres pas...» Une expérience à paraître, portant sur plus de 1000 rat s et financée par les pouvoirs publics allemands, ne confirmerait pas l'ouverture de cette barrière, selon Bernard Veyret, de l'université de Bordeaux, participant à cette étude. En outre, des équipes ont remarqué que l'effet est d'autant plus fort que la puissance du rayonnement est faible, ajoutant un peu plus à la confusion. Leif Salford plaide pour que la recherche continue et permette d'expliquer le mystérieux effet qu'il a mis en évidence.


    Les gènes seraient atteints

    Auteurs : l'équipe de San Ming Wang, de l'université Purdue (Etats-Unis).Année : 2005.Fréquence étudiée : 2450 MHz (réseaux Wi-Fi).Résultat publié : après deux heures d'exposition, l'expression de 221 gènes de cellules humaines a été augmentée. Après six heures, 759 gènes sont concernés. La puissance envoyée était assez forte, 10 W/kg (la norme pour l'exposition de la tête est de 2 W/kg, lire p. 54 ). Les gènes lié s à la mort cellulaire (l'apoptose) étaient particulièrement concernés contrairement à ceux liés à la réaction aux chocs thermiques.Notre commentaire : la reproduction de cette expérience pose problème. Hugo Rüdiger, qui a mené l'étude sur les lésions de l'ADN (lire p. 66), a fait un décompte : sur 101 études génotoxiques, la moitié environ trouve un effet, l'autre moitié non... Le problème plus général est qu'il ne suffit pas de détecter de tels effets génétiques pour en déduire des effets biologiques majeurs. Il faudrait plutôt étudier la présence ou non de protéines , voire vérifier que les fonctions mêmes de ces gènes sont altérées. Ces études, plus délicates à conduire, sont en cours.

    Les enfants souffriraient de leucémies

    Auteurs : le projet United King dom Childhood Cancer Study et l'équipe de Gerald Draper, de l'université d'Oxford.Date : deux études (1999-20 0 0 et 2005).Fréquence étudiée : 50 Hz (lignes et appareils électriques).Résultat publié : il y a un doublement du risque de leucémies pour les enfants exposés à des champs supérieurs à 0,4 µT par rapport aux enfants moins exposés. L'augmentation de ce risque est corrélée à la proximité des lignes à haute tension.Notre commentaire : ces résultats (et d'autres) ont conduit le Circ (Centre international de recherche sur le cancer) à reclasser les ondes basse fréquence dans la catégorie «peut-être cancérogènes pour l'homme». L'extrapolation de ces résultats à la situation française conduirait à deux cas de leucémies supplémentaires par an. Mais la valeur de 0,4 µT retenue pour la première étude n'est pas une moyenne journalière. Et la seconde étude ne contient aucune mesure d'exposition mais établit une corrélation entre la proximité des lignes, le lieu d'habitation et le risque de leucémie. Ces mauvaises évaluations de l'exposition réelle ont conduit à lancer des études complémentaires comme Expers (lire p. 56).

    Le point de blocage

    On ne passe pas de l'«in vitro» à l'«in vivo»
    Quand bien même des effets sur des cellules in vitro seraient mis en évidence, il serait satisfaisant d'en comprendre le mécanism e . Si l'effet de la chaleur e s t assez bien compris (lire p. 54), l'effet non thermique beaucoup moins. «Une quarantaine d'idées ont été proposées, aucune ne convainc», résume Bernard Veyret, de l'université de Bordeaux. La dernière en date, menée par une équipe israélienne de l'Institut Weizman et pointant l'activation d'une enzyme, reste à creuser.Le passage d'expériences in vitro à des résultats in vivo pose également problème : ce n'est pas parce que des effets biologique s seraient détectés au niveau des cellule s qu'ils conduiraient forcément à un dysfonctionnement de type cancéreux dans le corps.

    Le métabolisme des tomates est perturbé

    Auteurs : l'équipe d'Alain Vian et Gérard Ledoigt, de l'université de Clermont-Ferrand.Date : 2007.Fréquence étudiée : 900 MHz (GSM).Résultat publié : le champ électromagnétique a un effet biologique sur un plant de tomate exposé pendant 10 minutes. Dans les feuilles, les chercheurs ont mesuré les variations de l'expression de trois gènes impliqués dans les réponses aux «stress» environnementaux. Après l'exposition, l'expression de ces gènes est 3 à 5 fois plus importante qu'en temps normal. De plus, si une seule feuille est exposée alors que le reste de la plante est protégé, le rayonnement déclenche le même effet sur l'ensemble de la plante.Notre commentaire : ces travaux sont à l'origine d'une polémique entre les auteurs. Pour Alain Vian, ces résultats ne sont pas extrapolables à l'homme et ne permettent pas de déduire un risque sanitaire. Gérard Ledoigt estime le contraire. Alain Vian a lancé une étude d'expositions similaires qui se fera sur des cultures de cellules de peau humaine. Les résultats permettront alors de dire si ce rayonnement a un effet ou non sur des tissus humains.

    Rachel Mulot, David Larousserie
    Sciences et Avenir


    L'étude interphone tarde à se conclure

    Les résultats globaux de l'enquête européenne sur les effets cancérogènes du téléphone portable lancée en 2000 n'ont toujours pas été publiés.

    Deux ans déjà que nous attendons la publication des résultats d'Interphone. Interphone ? «La plus vaste étude jamais réalisée sur les effets cancérogènes du téléphone portable», clamait fièrement l'Union européenne lors de son lancement en 2000. Mais toujours rien. Et il en est ainsi depuis 2007, l'année où une synthèse de l'ensemble des résultats devait enfin révéler si, oui ou non, l'usage du portable provoquait des cancers au niveau de la tête.

    Pourtant, les choses avaient bien commencé. Dès le milieu des années 1990, une poignée de chercheurs s'interroge sur l'innocuité du téléphone mobile. En 1999, les travaux de l'oncologue suédois Lennart Hardell concluent même à un lien de cause à effet entre portable et cancer (lire l'interview p. 66). Une bombe ! Mais, très rapidement, ces résultats sont invalidés, notamment en 2002, dans un rapport des Américains Joseph McLaughlin et John Boyce, de l'International Epidemiology Institute de Rockville, dans le Maryland. Furieux, Hardell dénonce alors les liens de l'Institut avec le fabricant Motorola.

    C'est donc dans cette atmosphère de suspicion que Bruxelles lance Interphone, l'étude qui doit trancher. Une publication globale des résultats des treize pays engagés est envisagée pour 2007. Mais certaines équipes commencent à dévoiler leurs résultats dès 2004. Petit à petit, les autres font de même. Et la quasi-totalité des données de l'enquête sort, pays par pays, entre 2006 et 2008. Bilan : le doute, toujours le doute !

    Les effets observés sont faibles ou non significatifs. Mais les résultats les plus probants sont ceux obtenus lorsque l'on réunit les données des pays nordiques avec celles du Royaume-Uni. Dans ce cas, le risque d'avoir un cancer du cerveau est multiplié par 1,4 (par rapport aux personnes n'ayant pas de portable) chez les personnes ayant utilisé leur téléphone depuis plus de dix ans du côté de la tête où se trouve la tumeur. Mais l'analyse des données révèle aussi des biais importants sur l'ensemble des études. Des biais qui sous-estiment ou surestiment le risque selon les cas (lire l'encadré p. 51). Conclusion : impossible de conclure !

    Ce débat repousse ainsi de mois en mois la rédaction de la conclusion de l'étude. Interphone reste donc l'Arlésienne de l'épidémiologie actuelle. Et, si un jour, l'étude globale venait à être publiée (elle est maintenant promise pour cette année !), il ne faudrait pas s'attendre à des révélations fracassantes, mais plutôt à des débats complexes entre spécialistes.

    Olivier Hertel
    Sciences et Avenir


    Notre corps s'électrise et s'échauffe

    Après avoir observé les effets des champs électromagnétiques sur notre organisme, les scientifiques ont défini les normes à respecter.

    Quand une onde nous rencontre, elle n'a pas le choix : soit nous la réfléchissons ou l'absorbons, soit elle continue son chemin. Mais ces phénomènes physiques ne suffisent pas à dire avec certitude si l'onde est dangereuse ou non pour notre santé. Pour mieux comprendre, il faut préciser comment les ondes interagissent avec nos tissus et, de fait, tenter de déterminer des limites supérieures d'exposition.

    Les basses fréquences créent des courants électriques dans l'organisme

    Si notre corps était fait d'un matériau neutre électriquement, les ondes rayonnées par les lignes à haute tension, les mixers, les portiques antivol des magasins, etc., le traverseraient. La longueur d'onde correspondant à la fréquence de 50 Hz de ces appareils est en effet de 6000 km, soit bien plus large que notre corps. Mais nos tissus contiennent de nombreuses charges électriques libres qui réagissent à ces ondes. Le champ électrique les déplace, ce qui induit des courants de plus ou moins forte intensité. C'est ce que montre la modélisation d'un corps exposé au rayonnement d'un petit moteur électrique (voir l'illustration). Les calculs de l'équipe de Riccardo Scorretti, au laboratoire Ampère à Lyon, montrent que le corps n'est pas uniformément parcouru par le même courant. Tout dépend de la conductivité des tissus, de leur morphologie mais aussi des lignes du champ en sortie de l'appareil car elles adoptent des configurations spatiales complexes.

    Cette circulation électrique anormale étant susceptible de perturber l'organisme, la Commission internationale pour la radio-protection non ionisante (ICNIRP) a donc proposé des recommandations de protection en 1998 : pas plus de 2 milliampères/m2 (soit 100 microteslas, µT) de courants induits dans le corps pour les ondes de 50 Hz.

    Les hautes fréquences chauffent les tissus humains

    Pour les hautes fréquences de la téléphonie par exemple (900 à 2000 MHz), la longueur d'onde est plus courte, de l'ordre de quelques centimètres. Elles ne traversent donc pas les tissus humains mais y sont en partie absorbées, c'est-à-dire qu'elles y déposent leur énergie : le corps est échauffé. Plus la fréquence est élevée, moins l'onde pénètre. «C'est comme si elle rencontrait un péage. Plus la fréquence est élevée et plus le prélèvement est élevé, donc moins l'onde va loin», explique Riccardo Scorretti. Ainsi une onde de 3 GHz pénètre mille fois moins qu'une onde de 3 MHz. C'est essentiellement la circulation sanguine qui se charge de l'évacuation de cette chaleur. Cet effet thermique est le seul qui fasse consensus pour expliquer les effets des ondes sur la santé. Le métabolisme de notre corps est optimisé pour fonctionner à 37,5°C. Très au-delà, les protéines, à l'instar du blanc d'oeuf dans une poêle, coagulent. On comprend que, sans aller jusqu'à ces extrêmes, l'élévation de température puisse altérer leur fonctionnement. Du coup, l'ICNIRP, suivie par les autorités sanitaires nationales, a proposé des recommandations définissant des seuils de protection : on autorise une puissance maximale absorbée de 0,08 W/kg pour le corps entier et de 2 W/kg pour une de ses parties, la tête par exemple. De ces puissances, ont été déduits les seuils d'émission des antennes exprimées en V/m : 41 V/m pour le téléphone GSM à 900 MHz par exemple. Cela signifie que près d'une antenne rayonnant à 41 V/m, le corps absorbe bien un maximum de 0,08 W/kg. Les téléphones, qui rayonnent eux aussi, mentionnent le débit d'absorption spécifique (DAS) qui est souvent inférieur à 1 W/kg.


    David Larousserie
    Sciences et Avenir


    24 heures dans un monde électromagnétique

    Un journaliste de «Sciences et Avenir» s'est équipé de deux appareils de mesures durant toute une journée. Constat : les pics d'ondes ne sont pas toujours là où on les attend.

    Dans quel bain électromagnétique les Français sont-ils plongés quotidiennement ? Pour tenter de le préciser, un journaliste de Sciences et Avenir s'est équipé pendant vingt-quatre heures d'appareils mesurant son exposition au rayonnement des radios, téléphones, appareils électroménagers et autres ustensiles électriques... Une expérience ponctuelle déjà riche d'enseignements (voir le reportage photo ci-dessus), à replacer dans le contexte de trois études scientifiques beaucoup plus larges qui commencent aujourd'hui à répondre à cette question. Pour la première fois, elles donnent en effet des mesures de notre exposition à des champs électriques et magnétiques, à différentes fréquences (voir le schéma p. 50). Sur ce sujet polémique il est très important de distinguer les basses fréquences des hautes fréquences, appelées aussi hyperfréquences. La question des risques sanitaires éventuels étant d'une autre nature (lire p. 54).

    La première de ces études se nomme Expers et Sciences et Avenir a pu en obtenir des résultats partiels, en avant-première.

    Expers s'est intéressée à l'exposition de la population française au champ magnétique des appareils électriques : il est induit par le courant 50 hertz (lire Repères p. 49) transporté par les lignes à haute tension vers tous les appareils alimentés par des prises électriques, le four à micro-ondes, l'aspirateur... Elle a été lancée en 2007 par la Direction générale de la santé (DGS) et réalisée par Supélec (l'Ecole supérieure d'électricité). Jusqu'alors, on ne disposait de mesures que dans les habitations. Cette fois, 2000 Français, dont une moitié d'enfants, ont été équipés d'appareils individuels enregistreurs Emdex 2 (lire Notre démarche ci-dessus).

    «C'est la première étude au monde à mesurer pendant vingt-quatre heures l'exposition d'autant de personnes», témoigne Gilles Fleury, responsable de l'étude à Supelec. Le bilan complet sera connu dans le cours de l'année. Mais les chercheurs nous ont déjà confié les résultats portant sur 458 habitants de l'Ile-de-France et de Rhône-Alpes, dont 209 enfants âgés de moins d'un an à quatorze ans.

    Premier enseignement : les valeurs d'exposition moyenne sont faibles, voire très faibles : soit 0,04 microtesla (µT) pour les adultes et 0,03 µT pour les enfants. Pour ces derniers, cette mesure est d'environ le dixième du seuil à partir duquel le risque de leucémie serait augmenté (lire p. 52). Ces chiffres sont plus de mille fois plus faibles que les normes retenues par la communauté internationale (voir schéma p. 50).

    Deuxième leçon : plutôt que d'un bain électromagnétique, mieux vaudrait parler de «douches». En effet, dans une journée, un individu est arrosé par divers champs intenses mais brefs, comme l'a expérimenté le «cobaye» de Sciences et Avenir : passage de certains portiques antivol, allumage de la télévision, utilisation d'un mixer ou d'un four à micro-ondes, bip, les appareils de mesures s'agitent ! Troisième leçon : les émissions varient selon le type, la marque de l'appareil et la distance. Le champ d'un aspirateur par exemple, varie entre 200 et 800 µT, à 3 centimètres de l'appareil et entre 0,1 et 2 µT à un mètre, ce qui respecte la norme de 100 µT. Quatrième leçon : outre ces pics, il existe des facteurs d'exposition prépondérants selon ces résultats partiels. Le fait de résider dans une agglomération de plus de 2000 habitants, de passer du temps dans les transports (TGV, TER, RER, métro, tramway), de fréquenter les centres commerciaux, d'utiliser un ordinateur, de dormir à proximité d'un radio-réveil, d'habiter un immeuble plutôt qu'un pavillon et d'avoir un chauffe-eau individuel électrique. Preuve que les ondes sont un sujet sensible, le recrutement des volontaires a été difficile : les gens craignaient que les appareils - de simples enregistreurs - n'émettent eux aussi des ondes. Des proviseurs ont obligé les enfants à ôter l'appareil en cours.

    La deuxième étude importante est celle menée en 2008 à Champlan, dans l'Essonne, par l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset). Elle visait, entre autres, à évaluer l'exposition individuelle aux champs magnétiques basse fréquence et à effectuer une cartographie des voies publiques de la commune pour distinguer les sources d'exposition. 18 personnes, dont sept résidant à proximité (jusqu'à environ 100 mètres) de lignes à très haute tension, ont porté pendant 24 heures le même appareil que pour l'étude Expers. Résultats : celles habitant sous les lignes sont exposées en moyenne des niveaux de champ magnétique de 0,5 à 3 µT Celles vivant plus à l'écart sont exposées à des valeurs de l'ordre de quelques centièmes de microtesla.
    Une troisième étude, financée par l'Afsset et conduite par l'équipe de l'épidémiologiste Jean-François Viel, de l'université de Besançon, assistée des équipes de l'Ineris, s'est intéressée aux fréquences plus élevées, de 88 MHz à 2500 MHz; 200 Bisontins et Lyonnais ont porté un appareil mesurant cette fois le champ électrique rayonné par les antennes-relais, les téléphones, le Wi-Fi... Le champ magnétique n'a pas été mesuré car il se déduit en fait de la connaissance du champ électrique à ces fréquences. Les premiers résultats parus en avril montrent que l'exposition moyenne est faible. Les ondes radio rayonnent plus que les antennes-relais des téléphones : 12% des mesures dépassent 0,05 V/m dans le premier cas contre 3% dans le second. En outre, les personnes les plus exposées ne sont pas celles habitant près d'une antenne mais celles vivant à 300 mètres en moyenne de l'antenne la plus proche du domicile en ville et à 1000 mètres en périphérie. Les antennes n'émettent en effet pas de la même manière dans toutes les directions (lire p. 61) et n'ont pas la même portée selon les zones. Enfin, nous avons constaté que les pics quotidiens sont liés à l'action de téléphoner avec un portable ou un sans-fil d'appartement. Les émissions du Wi-Fi sont faibles sauf en cas de téléchargement.

    Au sortir de notre bain d'ondes maison, et de ces études, quelques idées reçues tombent. Les pics d'exposition ne sont pas toujours là où on les attend. On peut subir les ondes de ses voisins, non seulement celles de leur boîtier Wi-Fi mais aussi celles de leur téléphone. De même, les petites antennes-relais de téléphone placées dans le métro ou les centres commerciaux peuvent nous arroser sans que nous en soyons prévenus. Parlera-t-on un jour de téléphonie passive comme on a stigmatisé le tabagisme passif ?

    Autre surprise, le téléphone sans fil d'appartement émet fortement, dépassant les 2 V/m. En outre, sa base continue d'émettre même lorsque le combiné est raccroché ! Une absurdité.

    Notre démarche

    Nous avons utilisé durant 24 heures deux appareils à mémoire : Le boîtier EME SPY 120 (à l'extrémité bombée) a mesuré le champ électrique de 88 MHz à 2500 MHz, avec une sensibilité de 0,05 V/m, maximum 5 V/m. Il a pris une mesure toutes les 20 secondes.Le boîtier Emdex 2 (rectangulaire) a mesuré le champ magnétique de 50 à 800 Hz, avec une sensibilité de 0,01 µT, maximum 300 µT. Il a pris une mesure toutes les 3 secondes.Sur les enregistrements - que nous avons reconstitués - la mesure du champ électrique apparaît en rouge, celle du champ magnétique en bleu.Remerciements à Alain Azoulay (Supélec) et Patrice Cagnon (Ineris) pour le prêt de s appareils.

    7.15 Le micro-ondes se réveille

    Bonne nouvelle, le réveille-matin, réputé émettre jusqu'à quelques µT, ne rayonne presque pas, mais le détecteur est placé à plus d'un mètre. Le four à micro-ondes, lui, se fait sentir (4,5 V /m et 7 µT) ! A deux mètres, sur la table du petit déjeuner, les champs sont plus faibles.

    9.10 Trois pics de dispositifs antivol

    Surprise, le Wi-Fi d'une bibliothèque publique parisienne émet peu, même près de l'antenne (0,4 V/m maximum). En revanche, le passage au portique antivol ne passe pas inaperçu : une trentaine de µT ! Idem, pour les portiques de la librairie d'un musée. Mais c'est le tiers du seuil autorisé...

    11.30 Visite avec un expert

    Des mesures sont faites chez des Parisiens inquiets de la proximité d'antennes-relais. Peu d'ondes, sauf celles du téléphone sans fil et du Wi-Fi : 0,08 V/m en moyenne et 1,2 V/m au maximum. Rassurant ? Pas sûr : suite à une confusion administrative de la mairie, les mesures ont été faites à un étage éloigné des antennes...


    13.30 Bombardé sur un trottoir

    Le pic électrique sur le trottoir du quai Branly signale la proximité de la tour Eiffel (près de 2 V/m). Mais la surprise vient de ce qu'il est surtout intense en basse fréquence (de 2 à 4 µT). Plus que si l'on était près d'une ligne à haute tension ! Est-ce dû à un câble d'alimentation souterrain ?


    14.30 Le Wi-Fi reste sage

    L'émission du Wi-Fi dans un parc public est assez faible (moins de 0,3 V/m), même près de l'antenne. Le bain d'ondes est bien plus important dans le métro emprunté pour s'y rendre avec un pic à 4,5 V/m. Les antennes-relais de téléphone y émettent fortement. Les usagers patientent parfois juste à côté...


    15.30 Métro, resto : gare à vos voisins

    Le métro est décidément le pire des endroits. Les antennes rayonnent mais aussi les voisins qui téléphonent. Parfois plus fort plus que si nous téléphonions nous-mêmes ! Idem au restaurant. A chaque fois, plus de 2 V/m.


    18.00 Ondes en rayon

    Les centres commerciaux réservent aussi des surprises. Les portiques antivol n'ont rien fait mais un bruit de fond règne, sans doute dû aux rôtisseries, frigos... L'appareil détecte aussi des antennes-relais intérieures de téléphonie mobile.


    20.07 La mauvaise surprise du téléphone sans fil

    Une source souvent négligée chez soi : le téléphone sans fil. Il émet les mêmes ondes que certains portables (1900 MHz) et tout autant de rayonnement élevé (2 V/m). Or on téléphone sans doute plus longtemps avec cet appareil qu'avec un portable... Le Wi-Fi se réveille également dès que l'on télécharge un lourd fichier, dépassant par intermittence 1 V/m. Et une dernière bouffée de champ magnétique nous surprend avec le mixer à plus de 20 µT !


    Le point de blocage

    Mesures, contre-mesures, c'est la guerre des chiffresLes résultats des mesures réalisées par les associations militantes sont souvent différents de ceux des cabinets spécialisés.Ainsi, selon le Centre de recherche et d'information indépendantes sur les rayonnements électromagnétiques (Criirem), certains chiffres des rapports officiels sont en dessous du seuil de détection. De plus, les marges d'incertitude(souvent au-dessus de 30%) ne sont pas toujours communiquées. Autre problème : l'utilisation de protocoles légèrement différents entre le Criirem et les organismes agréés. Difficile de s'y retrouver... Résultat : un constat de défiance ! Des villes comme Valence (Drôme) ont ainsi investi récemment dans des capteurs permanents et mobile s pour disposer de leurs propres données, indépendantes des opérateurs de téléphonie. «Nous croulons sous les sollicitations. Les collectivités locales ne font plus confiance aux experts officiels», estime Pierre Le Ruz, du Criirem. A note r qu'à Paris, les particuliers peuvent demander à la mairie des expertises, dont la facture sera payée par les opérateurs. www.criirem.org www.paris.fr



    Rachel Mulot, David Larousserie
    Sciences et Avenir


    Posez-vous les bonnes questions

    Téléphone, radio, télévision... s'agit-il des mêmes ondes ?
    Oui et non. Ce sont toutes des ondes électromagnétiques mais leur fréquence est différente. Télévision et radio vont de 88 à 800 MHz quand le téléphone GSM est à 900 MHz, le téléphone UMTS, qui peut recevoir la télévision mobile, à 1800 MHz, et le Wi-Fi à 2400 MHz. Autre différence : les signaux des émetteurs radio ou télé peuvent être reçus en même temps par un grand nombre d'utilisateurs. En revanche, les antennes-relais de téléphonie émettent, elles, dans des canaux «réservés» aux appareils connectés, soit au maximum une soixantaine simultanément. Voilà pourquoi les antennes radio ou télé sont moins nombreuses et peuvent être placées plus loin des habitations que celles du téléphone. La façon dont sont émis les signaux diffère aussi. Continue pour radio et télé, hachée et envoyée par paquets pour les portables. Les opposants parlent volontiers d'«effet mitraillette» en référence aux radars. Reste que dans un radar, l'intensité des paquets peut atteindre une hauteur représentant plusieurs millions de fois la moyenne du signal. Avec le téléphone, le maximum ne dépasse pas dix fois cette moyenne.

    Peut-on vraiment baisser la puissance des antennes téléphoniques sans nuire aux communications ?
    Oui, non... C'est un dialogue de sourds, qui semble fait exprès pour nourrir la polémique. D'un côté, les opérateurs de téléphone, affirmant qu'ils ne peuvent assurer des liaisons de qualité sans puissance, refusent une révision à la baisse des recommandations européennes qui limitent l'émission d'un champ électrique par une antenne à 41, 58 et 61 V/m selon les fréquences utilisées (900, 1800 et 1900 MHz). Même si le Parlement européen vient de voter, en avril, un texte appelant à réviser ces normes. De l'autre côté, les associations comme Robin des Toits ou Priartem réclament un seuil de 0,6 V/m, toutes fréquences confondues. Une proposition de loi sera déposée en ce sens par les sénateurs Verts. Entre 41 V/m et 0,6 V/m, il y a tout de même une sacrée différence ! Mais les protagonistes se gardent bien de dire que ces deux chiffres ne représentent pas la même chose. Les premiers, liés à la puissance des antennes, concernent l'émission à la source. Les seconds concernent l'exposition des personnes. Compte tenu de la diminution d'un champ avec la distance (lire Repères p. 49), revendiquer 0,6 V/m n'équivaut donc pas à réduire de plus de 60 fois les puissances des antennes. Des exemples montrent d'ailleurs qu'il est possible de concilier les deux. A Paris, selon une charte signée avec les opérateurs en mars 2003, il ne faut pas dépasser 2 V/m d'exposition en moyenne sur une journée. En Suisse, les normes sont à 4 V/m pour le téléphone (900 MHz); en Italie, 20 V/m près de l'antenne et 6 V/m dans les bâtiments; à Valence, en Espagne, 1 V/m... Des aménagements semblent donc possibles. D'autant que les associations ne sont pas opposées à l'implantation d'antennes plus nombreuses pour compenser la baisse de puissance...

    Quelle différence avec les micro-ondes d'un four ?
    Le Wi-Fi et les téléphones sans fil à domicile ont une fréquence proche de celle d'un four à micro-ondes. Mais dans la cavité que constitue le four, les ondes sont piégées. Elles y deviennent «stationnaires», et comme les cordes d'une guitare pincée aux deux extrémités, elle présente des zones «peu intenses» et «très intenses», c'est-à-dire «froides» et «chaudes».

    Est-ce que les champs s'ajoutent lorsqu'il y a plusieurs sources ?
    Un plus un ne fait pas deux ! Les champs s'additionnent mais pas leurs amplitudes. Pour calculer l'amplitude résultante, il faut prendre la racine carrée de la somme des carrés des différentes amplitudes des sources. Ainsi 1 V/m d'un Wi-Fi plus 1 V/m d'un téléphone domestique sans fil fera 1,4 V/m environ.

    Le champ diminue-t-il en s'éloignant d'une source ?
    L'intensité diminue comme l'inverse de la distance (d) à la source. A 100 mètres, les champs sont dix fois plus faibles qu'à dix mètres. Cette règle admet des exceptions. Pour une ligne électrique, à cause des polarités différentes dans les câbles, la décroissance est plus rapide, en 1/d au carré. Tout près d'une antenne, l'onde n'est pas «formée» et la décroissance est en 1/d au cube. Plus loin, l'antenne n'émet pas pareil dans toutes les directions. Elle rayonne un pinceau dans une zone de 120 degrés à l'horizontal et de quelques degré s à la verticale. Sous l'antenne, le champ est moindre que juste en face ou qu'à l'endroit où le pinceau «touche» le sol.


    Sciences et Avenir


    Peut-on être électrosensible ?

    Certaines personnes se disent malades des ondes. Mais cette pathologie n'est pas reconnue en France, la médecine peinant à expliquer leurs symptômes.

    «Un instant,je vais chercher mon tissu...», prévient Emilie-Catherine, 45 ans, quand elle décroche son téléphone. Elle revient quelques secondes plus tard et on l'imagine la tête et le cerveau «protégés» par des voilages contenant des fibres d'aluminium. Pour cette ex-architecte d'intérieur qui travaillait chez elle, tout a commencé quand, en décembre 2007, elle a mis en réseau plusieurs ordinateurs à son domicile. Aux difficultés de concentration et d'attention se sont ajoutées par la suite des migraines sévères. «Pour moi, le lien avec les champs électromagnétiques était évident, se souvient-elle. Dès que j'étais hors zone, j'allais mieux.»

    Et puis tout s'est emballé : douleurs diffuses, paralysies des jambes, nausées..., la liste des symptômes s'est allongée. Depuis un an, cette mère d'un enfant de 7 ans a choisi de vivre au vert mais a perdu son travail, son compagnon, et sa vie sociale s'est réduite au minimum. Aujourd'hui, elle avoue s'inquiéter pour l'avenir et pour son fils. Emilie-Catherine n'est pas seule. Bénédicte, Véronique, Olivier, Sabine, Mathias et des centaines d'autres Français se présentent comme «électrosensibles» et tous souffrent incontestablement. A des degrés très divers.

    Particulièrement atteintes, Bénédicte et sa soeur vivent en véritables recluses dans un village de Saône-et-Loire et tempêtent contre un calvaire quotidien qui dure depuis près de six ans. En lutte avec ses voisins équipés d'une liaison Wi-Fi, Bénédicte a acheté sur Internet des voilages et une cage de Faraday qu'elle a installée au-dessus de son lit. Elle ne les quitte plus ou presque. «Nous nous sentons comme des pestiférées et nous sommes prises pour des folles», témoigne cette ancienne professeure de lettres, elle aussi en invalidité. Olivier, 47 ans, vit à moins de 200 mètres d'une antenne-relais de téléphone mobile et ne se plaint «que» d'insomnie et de troubles de la mémoire. Depuis que, pour un millier d'euros, il a recouvert ses murs d'une peinture au graphite et tendu quelques voilages, il dit aller mieux.

    Pour eux, l'ennemi est évidemment tapi partout : dans les téléphones sans fils ou portables, les ordinateurs, le Wi-Fi, les gadgets électroniques... Ce qu'ils veulent ? Un abaissement des normes d'émission et «des zones blanches - c'est-à-dire sans aucunes ondes (lire l'encadré p. 64) - pour survivre», supplie Bénédicte.

    Toutefois, le problème est que, jusqu'à présent, aucune recherche expérimentale n'a réussi à établir un lien causal direct entre les champs électromagnétiques (CEM) et les très nombreux symptômes présentés par ces personnes dites électrosensibles. Et les études de provocation, qui consistent à exposer ou non des volontaires, sont loin d'être significatives. Aujourd'hui, la seule réponse du corps médical se résume donc à orienter ces patients vers la psychiatrie et à leur proposer psychothérapie ou antidépresseurs. Une solution radicale souvent peu appréciée de ceux, qui, selon certains chercheurs, représenteraient jusqu'à 3% de la population, comme en Suède.

    Alors, qui s'intéresse en France à cette déconcertante troupe ? Personne. Sauf le Dr Dominique Belpomme, cancérologue (hôpital Georges-Pompidou, Paris) et fondateur de l'Association pour la recherche thérapeutique anticancéreuse (Artac)*. «Il y a quelques mois, j'ignorais tout de l'existence de ces personnes», explique-t-il. Tout a démarré en mai 2008, sur un plateau de télévision, suite à une rencontre imprévue avec un «électrosensible» suédois. Dans les jours qui suivent, sa consultation est envahie par des dizaines de «malades». Vite débordé, il décide de former un groupe de travail au sein de l'Artac, et contacte d'autres scientifiques internationaux.

    En quelques mois, ils analysent près d'une centaine de dossiers. Et finissent par décrire «une nouvelle maladie», le syndrome d'intolérance aux champs électromagnétiques (sicem), «une affection neuropsychologique» qui s'installerait en deux phases, estime le cancérologue. Une période inaugurale de stress cellulaire s'exprime selon une triade : des maux de tête, des troubles de la sensibilité se manifestant par des fourmillements, enfin des troubles de l'attention et de la concentration. Cette période, d'une durée variant de quelques mois à un ou deux ans, serait ensuite suivie par la phase d'état marquée, elle, par une insomnie, de la fatigue et une dépression. «Un peu comme dans la fibromyalgie, détaille le Dr Belpomme, mais sans douleur à la palpation des tendons et des muscles. Ce qui est nouveau, ce sont les critères objectifs, radiologiques et biologiques que nous avons identifiés.»

    Un examen d'imagerie, un écho-Doppler pulsé cérébral et des analyses de sang et d'urine ont en effet été réalisés chez une quarantaine de patients. «Nous avons mis en évidence une baisse du débit artériel de certaines zones cérébrales. Un peu comme dans la maladie d'Alzheimer, mais dans le cas qui nous intéresse, nous espérons, bien sûr, que ces lésions seront réversibles», annonce le cancérologue. Quant aux analyses, «elles ont permis de tracer une baisse de mélatonine dans les urines de 50% des malades. Dans le sang, on a trouvé une augmentation d'une protéine de stress, HSP 27, et ce jusqu'à 10 fois les valeurs normales». Le Dr Belpomme voit en ces indicateurs la signature biologique d'un stress cellulaire dû aux CEM.

    En attente d'une publication de ces différents résultats dans les prochains mois et de la rédaction d'un document qui aiderait les médecins généralistes pour leur diagnostic, l'Artac s'interroge sur les causes de ces anomalies. Pour l'association, deux pistes se dégagent. La première serait génétique. Car parmi les 150 cas recensés par l'association, plusieurs appartiennent à une même famille dont les membres vivent dans des lieux différents. Simple hasard ou susceptibilité familiale ? «Notre tissu cérébral renferme des magnétosomes, des aimants naturels, qui pourraient être impliqués», détaille le scientifique. Reste donc à savoir si certains individus seraient plus sensibles que d'autres...
    Seconde piste à creuser selon l'Artac, celle d'une origine acquise, en lien avec les amalgames dentaires : l'idée est que les amalgames et le mercure qu'ils contiennent conféreraient une plus grande sensibilité aux CEM. Un lien pour l'instant non confirmé. Et surtout polémique, les uns innocentant les amalgames, les autres persistant dans leurs accusations. Pour Nicolas Thevenet, membre du groupe de travail sur les amalgames dentaires à l'Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) - qui a créé depuis 2006 un réseau de consultations spécialisées proposant examen dentaire et dosages biologiques à ceux qui s'estiment «intoxiqués» -, «aucun électrosensible ne s'est manifesté et aucun lien causal avec le mercure n'a été retrouvé».
    Alors, comment sortir de l'impasse ? «En intensifiant les recherches», insiste Olle Johansson, scientifique suédois de l'institut Karolinska, engagé de très longue date dans le combat anti-ondes. Dans le nord de l'Europe, c'est en 1987 que ceux que l'on nomme les «électrohypersensibles» (EHS) se sont regroupés. Ils ont tiré le signal d'alarme dès 1994 et seraient aujourd'hui près de 290 000. Là-bas, la conception du handicap est avant tout environnementale. Résultat : «depuis dix ans, l'électrohypersensibilité y est reconnue en tant qu'infirmité physique. Mais attention, il ne s'agit pas d'une maladie mais d'un handicap», insiste le Pr Olle Johansson. Conséquence : tout a été mis en place pour que les électrosensibles aient, comme les autres, accès à une vie la plus «normale» possible. En pratique, des aides financières et techniques leur sont proposées pour assainir leurs logements (peintures spéciales...). Sur les lieux de travail, il est possible d'obtenir des employeurs des équipements particuliers (ordinateurs à faible émission, lampes ordinaires, téléphones filaires). «Certains hôpitaux ont même construit des chambres spéciales à très faible intensité de CEM pour les soins médicaux», détaille Olle Johansson. Retour plus près de nous, en Belgique, avec Marion Crasson, coordonnatrice d'un groupe de travail à l'université de Liège qui réalise une étude sur un groupe de malades : «Les électrosensibles sont incontestablement plus réactifs que les sujets témoins à un quelconque stress, environnemental mais aussi visuel ou sonore.» Reste à savoir si l'explication n'est que psychologique... Pour l'instant, les recherches belges en direction d'une susceptibilité génétique n'ont rien identifié.

    En attendant d'en savoir plus, les «zones blanches» s'imposeront-elles comme la seule alternative ? Le risque serait alors de voir se constituer des espèces de ghettos. Le Pr Johansson évoque, lui, une Suédoise électrosensible heureuse d'avoir ainsi découvert une vie saine et plus naturelle...

    Le point de blocage

    Les patients s'estiment mal expertisés«Pas de lien causal.» C'est en général, la conclusion abrupte et sans appel des études dites de provocation où des volontaires se considérant comme électrosensibles se soumettent à l'exposition de champs électromagnétiques, de 900 à 1800 MHz pendant des durées variables (de quelques minutes à plus d'une heure) selon les protocolesM. Hietanen M, A. M. Hämämäinen, T. Husman, Bioelectromagnetics 2002..Tout se déroule en double aveugle, expérimentateurs et cobayes ignorant si les fréquences sont ou non émises. Les testés remplissent des questionnaires en notant le moment d'apparition, le type et l'intensité des symptômes.Les résultats G. J. Rubin, BMJ 2006. sont parfois surprenants, notamment quand les symptômes les plus graves se manifestent lorsque les appareils sont éteints ! Il s'agirait du curieux effet dit nocebo, soit l'envers du placebo : une croyance en la nocivité d'un médicament ou d'un environnement provoque des effets secondaires !Ce serait la certitude des effets néfastes des ondes qui induirait les symptômes. Les électrosensibles n'apprécient pas d'être considérés comme des simulateurs et dénoncent des biais expérimentaux comme la non-prise en compte du temps de latence d'apparition des symptômes en raison d'une durée d'exposition souvent trop courte (quelques minutes seulement). Pour Olle Johansson, de l'institut Karolinska de Stockholm (Suède), «l'effet nocebo est possible mais comment expliquer les effets retrouvés in vitro sur des cellules en culture ?». S. R.-M.

    - Le site de l'association du Dr Belpomme : www.artac.info- Le contact à l'association Robin des Toits : ehs@robindestoits.org- Le site des «électrohypersensibles» suédois : www.feb.se/


    Un premier village protégé des rayonnements est à l'étude

    «Opération zone blanche» : tel pourrait être le nom de code de la mission que s'est fixée Serge Sargentini, coordinateur général de Next-up. Cet te ONG anti-ondes a pris fait et cause pour les «électrohypersensibles» (EHS). Son grand projet : la création d'un écovillage zone blanche, c'est-à-dire quasi exempt de rayonnements électromagnétiques, où une soixantaine d'EHS pourront «se réfugier». Du site, tenu secret, on sait juste qu'il se trouve dans le sud-est de la France, isolé en moyenne montagne dans une forêt domaniale, à plusieurs kilomètres d'un hameau. «Les EHS s'installeront en copropriété avec leur famille . Il y aura aussi des petits chalets à louer pour venir se ressourcer et des chambres d'hôte s», décrit Serge Sargentini.

    Mais le village n'a pas encore reçu toutes les autorisations administratives. «Tout le monde est contre nous», assure le responsable de Next-up. Pourtant, selon lui, il y a urgence, car les ondes tuent : «Le Dr Roger Santini, fondateur de Next-up, est mort d'un cancer du pancréas en 2006. En réalité, ce sont les champs électromagnétiques qui sont à l'origine de son cancer», assène le militant. Et ce n'est pas tout : les rangs des EHS ne vont faire que grossir. «Ils représenteront 50% de la population en 2017», prétend Next-up. Pis, beaucoup de malades souffrant des pathologies les plus diverses, seraient en fait des EHS qui s'ignorent ! Moralité, s'ils ne se retirent pas de ce monde pollué par les ondes, ils resteront malades. Serge Sargentini lance donc déjà un appel pour la création d'un deuxième écovillage, selon les mêmes principes d'isolement, mais pour 200 personnes cette fois.

    Quant à ceux qui n'auront pas la possibilité de rejoindre sa communauté, ils auront toujours la possibilité de se balader en ville couverts de la tête aux pieds par une combinaison intégrale anti-ondes importée par Next-up. Moyennant 1000 Euros !


    Sylvie Riou-Milliot
    Sciences et Avenir


    Trois protections douteuses

    Nous avons étudié des produits censés repousser les champs électromagnétiques.

    Attention aux dispositifs à l'eau salée
    La publicité l'affirmait : le patch anti-ondes CMO était «la première technologie au monde capable de protéger efficacement les organismes vivants des rayonnements électromagnétiques artificiels». Depuis février, ce slogan diffusé sur le site du revendeur Vitalisafe a été interdit par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Motif : aucune preuve scientifique de ces allégations, que ce soit pour les patchs qui se collent sur les mobiles, écrans et autres ordinateurs portables ou les antennes en forme de cône à poser en haut de l'armoire pour protéger la maison des mauvaises ondes.

    Pourtant, Maurice Fillion-Robin, patron de la société Comosystems, fabricant du produit, s'était appuyé sur un dossier scientifique impressionnant, bâti il y a déjà quelques années lorsque sa société s'appelait Tecnolab (avant sa faillite en 2002). Mais en l'examinant de près, l'Afssaps a relevé un grand nombre d'irrégularités, notamment des biais méthodologiques rédhibitoires. De plus, la plupart des études présentées n'ont jamais été publiées dans des revues scientifiques internationales à comité de lecture, seule garantie d'une reconnaissance par la communauté scientifique. Malgré cela, Benoît-Jules Youbicier-Simo, l'ancien responsable de la recherche biologique deTecnolab, maintient avoir montré un effet protecteur du procédé et cite deux chercheurs du CNRS de Montpellier et de Dijon qui auraient participé à ces travaux. Faux ! rétorque l'un d'eux : «Nous avons testé le produit, mais il n'avait aucun effet. Comme nos résultats n'allaient pas dans son sens, l'entreprise a cessé de soutenir nos recherches.»

    La recette de Comosystems a été dévoilée lors de son examen par l'Afssaps : prenez de l'eau, ajoutez-y une pincée de sel de cuisine, exposez la solution au champ électromagnétique d'un appareil en marche (un téléphone portable, par exemple). Agitez-la ensuite vigoureusement une cinquantaine de fois afin qu'elle conserve la «mémoire» de cette irradiation, et mettez le tout dans un patch que vous collez à votre téléphone. L'antidote contre les ondes ne serait donc rien d'autre que la mémoire de l'eau... salée ! D'autres publicités visant à garantir les vertus protectrices des produits Protark 1, Ondes Protect ou Biocelma ont aussi été interdites par l'Afssaps. O. H.

    L'aluminium et le métal sont des barrières peu fiables
    Tout métal ou conducteur protège plus ou moins des ondes. Enfermer son téléphone dans une feuille d'aluminium serait donc la solution pour bloquer les ondes. Sauf si la feuille est trouée... car les ondes se faufilent dans le moindre interstice. C'est aussi le cas dans une voiture. A priori, la structure métallique de l'habitacle constitue une sorte de cage dite de Faraday qui perturbe la propagation des ondes. On devrait donc se sentir à l'abri dans une voiture. Las ! les ondes parviennent quand même à passer.

    Pour preuve : on peut téléphoner dans sa voiture. Pis : les ondes ayant du mal à franchir la barrière métallique, le téléphone augmente sa puissance de réception et d'émission pour parvenir à fonctionner... Autre piège à éviter : tapisser les murs de son habitation de feuilles métallisées pour tenter de se protéger. Car la moindre onde qui parviendra à rentrer ne s'échappera plus !. D.L.


    Une crème ne peut pas faire écran
    L'entreprise de cosmétiques Clarins a lancé une «brume écran expertise 3P» contre les ondes électromagnétiques qu'elle juge nocives pour la peau. Deux heures après avoir bombardé des cellules épidermiques d'ondes à 900 MHz (la fréquence des téléphones portables classiques), ses laboratoires auraient en effet constaté des modifications sur 150 de leurs 600 gènes. Une découverte relatée dans une lettre au Journal of Investigative Dermatology* (revue à comité de lecture), et cosignée par Djavad Mossalayi, du Laboratoire d'immunologie de l'université Victor-Segalen-Bordeaux-II. Malheureusement, l'Afssaps juge qu'«au vu des analyses réalisées par différents experts des documents fournis par Clarins, les allégations revendiquées ne sont pas démontrées». L'agence a été saisie par la Direction générale de concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à propos de la publicité du produit. Notons par ailleurs que la crème n'est nullement un écran (comme pour les UV) car elle n'arrête pas les ondes électromagnétiques : il s'agit d'un soin aux plantes censé aider l'épiderme à se protéger des agressions «en renforçant ses cellules». R. M.

    Les précautions de bon sens pour limiter l'exposition

    - Utiliser systématiquement son téléphone portable avec une oreillette et un kit mains libres.
    - Exclure les oreillettes sans fil.
    - Emettre des communications courtes.
    - Ne pas poser son portable sur la table de nuit.
    - Ne pas utiliser son téléphone portable dans le train ni le métro.
    - Choisir un modèle dont le débit d'absorption spécifique est le moins élevé possible, idéalement entre 0,5 et 0,7 W/kg.
    - Débrancher les ordinateurs et le Wi-Fi la nuit.


    Rachel Mulot
    Sciences et Avenir


    A chacun son credo

    Témoins d'un sujet controversé, six spécialistes des risques éventuels des ondes électromagnétiques défendent leur position.

    Lennart Hardell Cancérologue (1)
    «Il faut baisser les émissions»
    «Nous savons depuis longtemps que les basses fréquences conduisent à des risques accrus de leucémie chez l'enfant. Nos études épidémiologiques montrent que des risques existent aussi pour les téléphones portables et les téléphones sans fil, dont pourtant on parle moins, à tort. Les pathologies développées sont des tumeurs cérébrales comme certains gliomes ou des neurinomes acoustiques. Pour des utilisations de plus de 2000 heures de ces appareils, le risque peut être trois fois plus élevé. C'est le côté du cerveau où l'on téléphone qui est le plus touché. Nous avons aussi mis en évidence des risques accrus pour les personnes qui ont téléphoné avant l'âge de vingt ans.

    L'autre leçon est que ce sont des effets à long terme et qu'il faut attendre au moins dix ans pour les observer. Ces résultats devraient être confrontés à ceux d'Interphone dont les conclusions ne sont toujours pas publiées. Ce retard est un scandale ! Les limites d'émission actuelles reposent sur de vieilles données alors que nous avons besoin de nouvelles recommandations tenant compte de ces effets à long terme. Pour l'exposition passive, on ne peut pas dire aux gens de se protéger en vivant dans des cages (de Faraday) ! Il faut baisser les émissions.» Propos recueillis par D. L.


    Martin Guespereau Directeur général de l'Afsset (1)
    «On peut mesurer une exposition réelle»
    Comme l'Afsset doit publier cette année un rapport sur les champs électromagnétiques liés à la téléphonie mobile, puis sur les champs à très basses fréquences et les lignes haute tension, elle ne communique pas actuellement sur le sujet. Nous reproduisons une déclaration de son directeur lors d'une audition au Sénat le 29 janvier : «Nous avons fait un travail particulier sur la commune de Champlan (Essonne), célèbre pour son exposition à de multiples sources et à des sources non radioélectriques également. Ce que l'on retient au niveau méthodologique est très important : on a fait plus de choses qu'on ne l'aurait cru jusqu'ici. Il y a une faisabilité réelle de mesurer une exposition réelle et individuelle. Cela nous paraît important de mettre cela dans toutes les études épidémiologiques. Il est aussi très facile de discriminer selon les sources d'exposition, ce qui nous paraît important, puisqu'en termes de gestion du risque, il faut bien évidemment conclure sur la réduction de l'émission à la source.» R. M.


    Martine Hours Epidémiologiste (1)
    «Le risque observé est faible»
    «Au lancement de l'étude internationale Interphone, en 1999, nous partions sur l'hypothèse de l'existence d'un risque faible. Nous pensions aussi qu'il pouvait y avoir un effet promoteur de l'exposition, c'est-à-dire le risque de faciliter le développement d'un cancer sur un terrain déjà actif. Aujourd'hui, toutes les études sont terminées. Parmi celles qui sont publiées, certaines trouvent un risque, d'autres pas. Nous savons aussi qu'il y a des biais dans les données. Biais, qui selon les cas, sous-estiment ou surestiment le risque. D'où le débat entre les différents participants à l'étude. Mais s'il y a débat, c'est parce que de toute façon le risque observé est faible et que les biais peuvent du coup avoir une grande importance. Dans les études sur le tabac, il y avait aussi des biais. Mais le risque associé au cancer du poumon était si fort qu'il n'y avait pas débat.» Propos recueillis par O. H.


    André Aurengo Biophysicien (1)
    «Nous devons vivre avec nos incertitudes»
    «Les niveaux d'énergie auxquels fonctionne notre organisme sont des millions de fois supérieurs à ceux des champs électromagnétiques d'extrêmement basse fréquence auxquels nous sommes exposés. Leur risque, s'il existe, est très faible, à la limite du bruit de fond de l'épidémiologie; il ne peut donc pas être étudié avec des techniques approximatives. Une étude épidémiologique incontestable sur les risques éventuels des lignes à haute tension devrait reposer sur le suivi d'une cohorte (ensemble d'individus suivis durant une certaine durée) afin de connaître précisément l'exposition et de contrôler tous les facteurs d'incertitude. Ce serait techniquement et éthiquement impossible car il faudrait faire faire des mesures régulières à des centaines de milliers d'enfants pendant des années. Nous devons donc vivre avec nos incertitudes et privilégier une approche globale de ce problème, par l'épidémiologie (en étant conscients de ses limites), les données de la biologie, en particulier toutes nos connaissances sur la cancérogenèse, et celles de l'expérimentation animale.» Propos recueillis par R. M.


    Bernard Veyret Physicien (1)
    «De nouvelles évaluations seront bientôt disponibles»
    «Beaucoup de recherches ont été faites sur les réseaux de téléphonie. Nous avons accumulé beaucoup de connaissances. Les récents jugements qui ont conduit à des démontages d'antennes-relais sont donc assez étonnants sur ce point. La science n'a visiblement pas eu toute sa place dans la prise de décision. On a du mal à voir le rôle qu'a eu la recherche pour éclairer les juges.

    Au niveau du laboratoire, beaucoup de données ont été recueillies sur les cellules, sur l'animal, sur l'homme. Les conclusions sont qu'il ne se passe rien dans ces études expérimentales en dessous des seuils actuellement définis. Il reste néanmoins des doutes sur les effets du téléphone portable lui-même dans l'attente des résultats de l'approche épidémiologique. C'est en ce sens dommage que l'étude Interphone tarde à se conclure.
    Pour faire le point sur l'état des lieux de la recherche, de nouvelles évaluations du risque seront bientôt disponibles. L'ICNIRP va publier un livre bleu d'ici à l'été, qui sera une synthèse complète des études physiques, biologiques et épidémiologiques sur le sujet. L'OMS devrait ensuite sortir un nouveau rapport et le CIRC (Centre international de recherche sur le cancer) refera son évaluation d'ici à un an... permettant, vers 2012, de réviser les normes sur la base de ces documents.» Propos recueillis par D.L.

    Etienne Cendrier Association Robin des Toits (1)
    «Les risques sur la santé sont établis»
    «Pour nous, les risques sur la santé sont établis, que ce soit pour le téléphone ou pour les antennes-relais. Dans le contexte actuel, j'entends dire partout qu'il y a débat démocratique mais dès que nous offrons les conditions du débat aux opérateurs, ils ne viennent pas. Ce fut le cas à l'Assemblée nationale en début d'année, puis au Sénat en mars. Les jugements en leur défaveur montrent aussi leur rigidité. Ils refusent tout aménagement sur les lieux considérés. La seule manière pour nous de faire pression est de faire abattre les antennes. Nous lancerons donc de nouvelles procédures. Nous avons remis nos propositions à Chantal Jouanno, secrétaire d'Etat à l'Ecologie pour un «Grenelle des antennes». La principale revendication est l'abaissement des seuils maximum d'exposition à 0,6 V/m. Dès qu'elle sera satisfaite, nous nous dissoudrons !

    Sinon, nous réclamons aussi un moratoire sur le déploiement des téléphones UMTS permettant la télévision mobile. Le Wi-Fi doit être abandonné à chaque fois que c'est possible au profit de liaisons filaires. Les débits d'absorption spécifiques (DAS) qui caractérisent l'exposition maximale à la tête lors de l'utilisation des mobiles doivent être indiqués aussi sur les téléphones sans fil d'appartement. L'électrosensibilité doit être reconnue comme une pathologie.»
    Propos recueillis par D. L.

    (1) Professeur à l'hôpital universitaire d'Orebro (Suède).

    Le point de blocage

    L'indépendance des experts est remise en question
    Que les études sur les effets du téléphone mobile sur la santé soient entièrement financées par les industriels a un impact sur les résultats. C'est ce qu'affirment Anke Huss (Institut de médecine sociale et préventive de l'université de Berne), ainsi que ses collègues suisses et britanniques, après avoir épluché, en 2007, 59 publications plus ou moins financées par des fonds privésEnvironmental Health Perspective, janvier 2007.. Ils notent d'abord qu'aucun des 31 journaux scientifiques n'a déclaré les conflits d'intérêts possibles , puis ils montrent que les études financées par les seuls industriels sont plus bavardes, mais donnent moins de résultats statistiquement significatifs que les autres.Ils concluent que toute analyse de résultat devrait prendre en compte le financement. Cela éviterait bien des polémiques. En 2006, en France, un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) épinglait l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale (Afsse) (lire Sciences et Avenir n° 712, juin 2006 ) : l'un de ses experts était payé par Bouygues Télécom et les laboratoires de trois autres étaient financés par certains opérateurs. Il y avait de quoi jeter un doute sur l'impartialité des rapports de 2003 et 2005, plutôt rassurants. Devenue depuis l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset), l'agence a recruté de nouveaux experts et l'on attend les résultats des études en cours. Bernard Veyret, du CNRS et André Aurengo, de l'Académie de médecine (lire interviews) sont régulièrement pointés par les associations environnementales pour leurs liens avec l'industrie.Quant à la Fondation santé et radiofréquence, dont les études sont pour moitié subventionnées par l'Etat, et qui est financée par huit industriels des télécommunications, elle est également suspectée de collusion. Du moins affiche-t-elle clairement ses liens et s'est-elle dotée d'une charte d'éthique. L'Organisation mondiale de la santé elle-même n'est pas exempte de suspicion depuis le scandale de l'amiante dont elle a longtemps minoré les effets cancérogènes.Quant aux experts dits indépendants, sont-ils au-dessus de tout soupçon ? L'une des expertes du rapport Bio-initiative (lire p. 50), brandi par les associations environnementales pour dénoncer les effets des ondes électromagnétiques, Cindy Sage, est ainsi consultante pour une entreprise de protection contre les ondes. Selon Anke Kuss, les études financées par des ONG doivent être regardées avec la même rigueur que celles financées par les seuls industriels. Les études mixtes - mêlant fonds publics et privés - apparaissent comme les plus sérieuses. R. M.


    Rachel Mulot
    Sciences et Avenir